Tosazu, le savoir-faire des artisans de Tosa

Chaque année, entre avril et juin, les bonites du Pacifique migrent. Prises dans les eaux chaudes du Kuroshio, le deuxième plus grand courant marin du monde après le Gulf Stream, elles longent la côte ouest du Japon sur plusieurs milliers de kilomètres vers les eaux froides et opulentes de Hokkaido. Considérablement engraissées par les petits poissons et les seiches qui font la notoriété de cette île quasi-arctique auprès des humains, elles reprendront la route du sud au mois de septembre suivant. Beaucoup seront alors capturées par les pêcheurs… Et transformées en délicieux flocons.

Pour être précis, ces flocons appelés « katsuobushi » sont des filets de bonite cuits, fumés et râpés. Leur rôle dans la cuisine japonaise traditionnelle ou « washoku » est absolument crucial : ce sont eux qui donnent le bouillon primordial « dashi » aux côtés du kombu. On les trouve aussi dans les assaisonnements à saupoudrer « furikake » et dans une foule de sauces délicieuses, notamment le « tsuyu » pour nouilles froides et le vinaigre « tosazu » dont nous voyons la popularité exploser depuis quelques semaines.

Tosazu Marusho

Le tosazu est un mélange de vinaigre de riz, de sauce soja et de saké doux infusé aux flocons de bonite fumée. C’est un condiment magique dont le goût ultra-umami transforme le plus ennuyeux des légumes-feuilles en met raffiné. Tout en rondeur et en fumée mais jamais envahissant, il est inégalable sur une huître, un ceviche, un tataki, un tartare de thon, un sashimi de sériole… On pourrait même dire que le tosazu illustre parfaitement le principe cardinal de la grande cuisine japonaise : sublimer un aliment frais sans jamais empiéter sur sa perfection naturelle.

Une sauce aussi unique ne serait jamais née sans le savoir-faire des artisans de Tosa, une ancienne préfecture de la côte pacifique Shikoku dont le tosazu tire son nom. Lors de leurs migrations, les bonites transitent en nombre au large de ce littoral ensoleillé, réputé pour ses temples et ses agrumes. Forcément, les habitants les pêchent et les accommodent depuis des siècles. Comme tant d’autres merveilles en provenance du Japon, ce tosazu qui nous semble tellement nouveau est en fait un condiment longuement peaufiné.